INTRODUCTION AUX CAPSULES
Je pars de mon histoire personnelle (Suzanne Lamarre, MD, psychiatre). J’ai été éduquée dans un milieu catholique et ai fait mes études classiques dans un collège dirigé par les religieuses. Jeune, j’ai vite perçu qu’il y avait deux approches aux problèmes pour ne pas dire deux genres de façon pour les personnes en direction d’assumer leur autorité: l’approche d’une mère supérieure qui imposait ses directives et l’autre d’une directrice des études qui aidait l’étudiante à développer son jugement pour se comprendre avec toutes les contradictions d’un système et de ses actrices. Lorsqu’elle recevait une de nous expulsée de la classe pour je ne sais quoi, elle nous invitait gentiment à écouter de la musique classique dans une pièce ensoleillée près de son bureau. L’effet calmant était immédiat. On n’avait plus envie de faire le procès des injustices dont nous avions été ou pensions avoir été victime, nous aspirions seulement à cette paix intérieure.
Dans mes yeux d’adulte, je peux dire qu’elle-même ne pouvait pas régler ces injustices sans prendre parti et risquer de perdre alors son statut de directrice mais comme éducatrice elle se devait de garder ce poste et nous aider à nous calmer en accédant à ce que j’appelle maintenant mon Self.
À ce niveau, nous savions implicitement que nous aussi devions composer pour l’instant avec les contradictions auxquelles nous étions confrontées. Elle nous aidait à saisir les notions de la complexité de l’éthique. La maîtresse avait raison de nous avoir expulsées dans le cadre de sa classe, nous avions raison d’avoir contesté ses propos et d’être insultées de l’avoir été, mais dans tout ça il n’y avait pas de bonnes solutions immédiates.
En accédant à cette paix intérieure en sa compagnie, dans cette atmosphère, aidées par cette musique divine, nous pouvions faire le point. La chose n’était pas simple mais complexe et pour l’instant valait mieux apprendre à se calmer en acceptant cette complexité. Nous étions confirmées dans notre identité de personne valable sans avoir à être confirmées dans nos propos. Je crois que cette religieuse était avant tout bouddhiste.
Ceci m’amène à ma présence dans un groupe boudhiste de pleine conscience inspiré par Thich Nhat Hanh.
D’abord ma conviction qu’apprendre à accéder à son self, à la pleine conscience, nécessite des conditions particulières et qu’un Zendo est un lieu de paix par excellence. Le Zendo n’est pas une place ordinaire. Il est constitué avant tout de gens qui nous accueillent dans un lieu accessible, ensoleillé, propre comme s’il s’agissait de leur chez-soi. Ce Zendo était tout près de l’hôpital St-Mary où j’étais cheffe du département de psychiatrie.
J’avais tenté de commencer un groupe de méditation dans ce milieu de soins aigus mais j’y ai vite renoncé après avoir rencontré l’équipe de l’IPCAM. Je n’avais que peu d’expérience dans la méditation formelle pour aussi bien dire aucune mais je savais fort bien l’importance de se recueillir en soi pour accéder à sa créativité en dehors des règlements de compte et des moyens de gestion destructeurs pour les individus.
Ensuite, il existait bien des groupes structurés de 8 semaines offerts aux patients, mais pour y accéder, c’était long, exigeant pour tous, évaluateurs et évalués, et rapidement ces groupes déjà limités en nombre en raison du processus d’évaluation venaient à ne satisfaire que quelques participants car plusieurs élus ne revenaient pas pour diverses raisons comme il arrive dans bien des groupes fermés d’ailleurs. Nous avons donc décidé avec l’Institut de créer des groupes ouverts pour des personnes en processus de réadaptation en santé mentale référées par les professionnels de la santé. Nous étions alors rassurés que les participants non satisfaits ou déstabilisés puissent accéder aux services du professionnel qui les avait référés.
À notre grand enchantement, en raison de nos valeurs communes, la co-animation s’est faite d’une façon des plus harmonieuses à la satisfaction de tous, animateurs et participants. Nous pouvions partager les connaissances scientifiques qui soutenaient les valeurs bouddhistes. Par exemple, depuis plusieurs années nous savons que les personnes déprimées vivent avec un taux de cortisol trop élevé en raison de leurs difficultés à gérer les divers stresseurs de leur vie ; ce qui entraine une inflammation chronique suscitant diverses autres pathologies en plus des problèmes de santé mentale.La sérénité qu’entraine la pratique de la méditation devient un remède puissant à la portée de tous.
La thérapie cognitivo-comportementale est indiquée depuis longtemps dans ces cas ainsi que des méthodes de relaxation. Si on y regarde de plus près, Beck, le psychologue à l’origine de cette thérapie, était inspiré par le bouddhisme (le savait-il ? je ne le sais pas) en s’attaquant aux distorsions mentales de ses patients anxieux et déprimés. S’est développée depuis, naturellement, la thérapie cognitivo-comportementale basée sur la méditation. Mais encore là l’accès à ces thérapies est limité et est surtout d’une durée limitée.
À l’IPCAM, les groupes du mercredi après-midi, co animés par des psychiatres et les enseignants de l’IPCAM, sont fondés sur les valeurs bouddhistes de Thich Nhat Hanh et la pratique de la méditation et de la pleine conscience. En gardant notre groupe ouvert, ceux et celles qui en sentent le besoin peuvent revenir se replonger dans la méditation et reprendre une vie de pleine conscience loin des ruminations toxiques qui les rendent malades. L’accessibilité, un des signes essentiels des services de qualité, est là. Un service nécessaire au bon endroit et au bon moment !
Au cours des 20 dernières années, les neurosciences ont fait un bond quantique en raison des nouvelles technologies qui nous ont permis d’observer les connexions intra cérébrales dans le fonctionnement de nos cerveaux reptilien, limbique et corticaux. Le concept de la neuro plasticité est devenu connu dans les écoles de médecine 25 ans après les premières découvertes.
Les connaissances sur le fonctionnement du cerveau ne devraient pas prendre autant de temps à changer nos pratiques. Passons rapidement des campagnes pour la déstigmatisation de la maladie mentale aux campagnes de prévention de la maladie mentale en profitant de ce que les neurosciences nous apprennent. À partir de maintenant, dans chacun de nos groupes de méditation, nous aurons une capsule de cinq minutes sur le fonctionnement du cerveau pour aider nos participants à vivre de plus en plus dans un état de sérénité et de compassion mutuelle en connaissant mieux leur cerveau.