Order of Interbeing

L’Ordre de l’Inter-Être 

Thich Nhât Hanh est entré dans la voie monastique à l’äge de 16 ans. Très tôt , il s’est distingué du bouddhisme traditionnel de son époque en créant un bouddhisme plus contemporain et plus adapté non seulement à la vie des temples et des monastères, mais aussi à celle du quotidien dans la rue, la famille, le peuple. Trop de souffrance sévissant alors au Vietnam à cause de la guerre, il considérait que les enseignements du Bouddha et leur pratique ne devaient pas se confiner à l’étude des sutras et aux seuls rituels religieux. Désireux de sensibiliser aussi bien laïcs que monastiques à une pratique concrète, efficace et responsable, il créa, en 1964, une école pour former les jeunes et les impliquer dans le secours aux victimes des bombardements et à la reconstruction des villages, « l’École de la Jeunesse pour le Service Social -ÉJSS».

Dans Interbeing, petit ouvrage précis et condensé qui résume à lui seul sa conception du bouddhisme et sa vision de ce qu’il a nommé l’Inter-Être, Thay Thich Nhat Hanh écrit :

“l’esprit de non-attachement aux opinions et d'expérimentation directe mène à l'ouverture d'esprit et à la compassion dans la façon dont nous nous relions aux autres êtres vivants et dont nous les percevons. Le pouvoir de créativité et celui de réconciliation naissent de l’esprit d’adaptation et de l’esprit des moyens habiles, Ils sont tous deux nécessaires pour réaliser notre voeu de servir le monde.” (1)

Contrairement à ce que nous croyons, nous ne sommes pas des êtres séparés. Nous inter-sommes. Ce qui arrive aux autres nous concerne, même si notre éducation nous a toujours dicté : « Mêle-toi de ce qui te regarde ! » Bien sûr, nous n’allons pas, du jour au lendemain, nous introduire chez le voisin pour aller voir ce qui s’y passe ! Mais en y pensant un peu plus… les changements climatiques, la pollution, l’effet de serre dévastateur, la famine qui prend de plus en plus d’ampleur, la pauvreté..., pas le temps ?

       "Pour être vraiment en contact, nous devons sortir de notre coquille et regarder clairement et profondément les merveilles de la vie, - les flocons de neige, le clair de lune, les belles fleurs, mais également la souffrance -la faim, la maladie, la torture et l’oppression." (1)

C’est le bouddhisme engagé.

Deux ans plus tard, en 1966, est fondée la Communauté de l'Inter-Être. Les premiers membres (Tiêp Hiên) étaient des pratiquants désireux de s’entraïner à « étudier, expérimenter et appliquer le Bouddhisme de manière efficace et intelligente à la vie moderne » pour leur propre bénéfice et pour soulager la souffrance du peuple par leur travail social. Pour les aider dans leur mission, Thich Nhat Hanh composa Quatorze Entraînements qui furent la base et l’essence de leur pratique quotidienne de Pleine Conscience et de leur engagement. Aujourd’hui, la guerre a pris fin au Vietnam, mais la souffrance et l’ignorance existent encore partout dans le monde. Les Quatorze Entraînements sont toujours d’actualité et ont plus que jamais leur raison d’être. (2)

I. SENS DES TERMES TIÊP HIÊN

 Tiêp signifie “être en contact avec” et “continuer”.
Hiên signifie “réaliser” et “agir ici et maintenant”.

Afin de mieux comprendre l’esprit de l'Ordre de l'Inter-Être, commençons pas examiner ces quatre expressions.

   Avec quoi devons-nous “être en contact ?”Avec la réalité, la réalité du monde et la réalité de l'esprit. Être en contact avec l'esprit signifie, non seulement, être conscient des processus de notre vie intérieure - sentiments, perceptions, formations mentales - mais aussi redécouvrir notre conscience profonde, qui est la source même de la compréhension et de la compassion. Être en contact avec notre conscience profonde, c’est comme creuser profondément dans la terre pour atteindre une source cachée qui remplit notre puits d’eau fraîche. Quand nous redécouvrons notre conscience profonde, nous sommes emplis de compréhension et de compassion. Cela nous nourrit et nourrit aussi ceux qui nous entourent. Être en contact avec notre vraie nature, c’est être en contact avec les Bouddhas et les bodhisattvas, êtres éclairés qui nous montrent le chemin de la compréhension, de la paix et du bonheur.

   Être en contact avec la réalité du monde signifie être en contact avec tout ce qui nous entoure, y compris le règne animal, végétal et minéral. Pour être vraiment en contact, nous devons sortir de notre coquille et regarder clairement et profondément les merveilles de la vie, - les flocons de neige, le clair de lune, les belles fleurs, mais également la souffrance - la faim, la maladie, la torture et l’oppression. Débordants de compréhension et de compassion, nous pouvons alors apprécier la vie tout en agissant avec la ferme résolution d’alléger la souffrance autour de nous.

     Trop de personnes font une distinction entre le monde intérieur de notre esprit et le monde extérieur, mais ces deux mondes ne sont pas séparés. Ils appartiennent à la même réalité. Les notions "intérieur-extérieur" sont utiles dans la vie courante, mais elles peuvent devenir un obstacle nous empêchant de voir la réalité ultime. Lorsque nous voyons profondément notre nature, nous voyons en même temps le monde profondément. Si nous comprenons le monde, nous comprenons notre nature. C'est ce que l'on appelle « l'unité du monde et de l'esprit » .

   Dans le Christianisme moderne se trouve la notion de théologie verticale et théologie horizontale. La vie spirituelle, c'est la dimension verticale du contact avec Dieu, tandis que la vie sociale est la dimension horizontale du contact avec les humains. Certains bouddhistes pensent également de cette manière. Ils parlent du niveau supérieur qui est la pratique de la Voie du Bouddha et du niveau inférieur qui est d’aider les êtres vivants. Mais cela ne correspond pas à l’esprit véritable du Bouddhisme qui nous enseigne que la nature de bouddha est innée en chaque être et n'est pas seulement de nature transcendante. Par conséquent, pour le Bouddhisme, verticalité et horizontalité sont un. En pénétrant l’horizontal, nous trouvons le vertical et vice-versa. C’est le sens de “être en contact avec”.

    Nous avons ensuite le concept de continuation. Tiêp signifie attacher deux ficelles ensemble afin d’en faire une plus longue. C'est étendre et perpétuer la Voie de l'Éveil commencée et nourrie par les Bouddhas et les bodhisattvas qui nous ont précédés. Il est utile de rappeler que le mot "Bouddha" signifie celui qui est éveillé ou éclairé. Le mot « bodhisattva » signifie aussi personne éveillée ou éclairée. La voie de l' éveil commencée par les Bouddhas et les bodhisattvas doit être poursuivie, telle est la responsabilité de ceux et de celles qui s’engagent dans la pratique bouddhique. Planter les graines de l’éveil et prendre bien soin de l’arbre de l’illumination, tel est le sens de tiêp, "continuer".

Le troisième concept est “réaliser” ou “réalisation”. Hiên signifie ne pas être prisonnier du monde des idées et des doctrines, mais plutôt de transposer et d’exprimer notre compréhension dans la vie réelle. Les idées sur la compréhension et la compassion ne sont pas la compréhension, ni la compassion. La compréhension et la compassion doivent être présentes dans notre vie de tous les jours. Nous devons pouvoir les voir et les toucher. La présence véritable de compréhension et de compassion peut alléger la souffrance et faire naître la joie. “Réaliser” ne signifie toutefois pas seulement agir. C'est tout d'abord se transformer. Cette transformation crée une harmonie entre nous et la nature, entre notre propre joie et la joie des autres. Elle s'accomplit dès que nous touchons à la compréhension et à la compassion et par là-même, notre vie s'en trouve naturellement protégée et embellie. Si nous voulons partager joie et bonheur avec autrui, il doit y avoir joie et bonheur en nous. Sans un esprit calme et paisible, nos actions ne peuvent qu’ajouter aux problèmes et à la destruction du monde.

    La dernière expression à examiner est : “agir ici et maintenant”. Pour nous, seul l'instant présent est réel et accessible. La paix que nous désirons atteindre ne se trouve pas dans un futur lointain, mais elle peut être réalisée dans l’instant présent. Pratiquer le Bouddhisme ne signifie pas souffrir maintenant en vue d’une paix et d’une libération futures. Le but de la pratique n’est pas de renaître dans un quelconque paradis ou sur la terre de Bouddha après la mort. C'est de trouver la paix pour nous-mêmes et pour les autres tout de suite, tant que nous sommes vivants et que nous respirons. La fin et les moyens ne peuvent être séparés. Si l’homme en général fait davantage attention aux effets, les Bodhisattvas, eux, font attention aux causes car ils savent que cause et effet sont une seule et même chose et que les moyens sont une fin en soi. Une personne éveillée ne dit jamais : ”Ce n’est qu’un moyen”. Quand nous comprenons que les moyens sont la fin, toute forme de pratique doit être entreprise en pleine conscience et paisiblement. Que nous soyions assis, que nous marchions, travaillions, fassions le ménage ou servions autrui, nous devons sentir cette paix en nous. Durant la méditation assise, le but premier est d'être vigilent et paisible.Travailler pour aider les gens qui ont faim ou qui sont malades c'est ressentir de la paix et de l'amour pendant que nous le faisons. Lorsque nous pratiquons, nous ne devons pas attendre de récompenses futures, espérer entrer dans le Nirvana ou la Terre pure, atteindre l'Éveil ou la nature de Bouddha. Le secret du Bouddhisme, c'est d’être éveillé ici et maintenant.

Nulle voie ne mène à la paix; la paix, c'est la voie.
Nulle voie ne mène à l'éveil; l'éveil, c'est la voie.
Nulle voie ne mène à la libération; la libération, c'est la voie.

(1) Thich Nhat Hanh, InterBeing, Fourteen Guidelines for Engaged Buddhism, Berkeley, Parallax Press, 1998
Traduction française, Lily Gozlan Chan Tu Tieu, Juillet 2002

(2) En Quête de l'Absolu, La méditation selon cinq traditions religieuses, Paulines, 2009, extrait

CÉRÉMONIE DE RÉCITATION DES QUATORZE ENTRAÎNEMENTS À LA PLEINE CONSCIENCE

PROCESSUS POUR LA TRANSMISSION DES QUATORZE ENTRAÎNEMENTS À LA PLEINE CONSCIENCE

À la demande de notre Maître le Vénérable Thich Nhat Hanh, le Collège des Enseignants du Dharma laïques a la responsabilité de suspendre de l'Ordre de l’inter-Être un membre qui ne respecte pas ses engagements et ne répond plus aux conditions et critères d’admission.

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Do not lose yourself in the past; do not lose yourself in the future; do not get caught in your anger, worries, or fears. Come back to the present moment, and touch life deeply. This is mindfulness.
- Thich Nhat Hanh